Certes, l'homme a besoin
d'une image de lui-même pour vivre, mais il ne doit pas se laisser illusionner par
cette image ; elle est tout autant, mais à peu près aussi peu consistante que l'image
du miroir. Si nous sommes tellement prêts à nous identifier à ces images que nous
forgeons de nous-mêmes, que ces "rôles" sociaux nous renvoient, c'est qu'il est
une épreuve permanente de lutter contre le travail de la "mort" qui exclut le vide,
qui massifie, qui élimine l'autre possible, qui fait de nous des gens installés
dans le travail, dans le mariage, dans...,
des gens peu mobiles, incapables de résister.
Un autre "Moi", ça coûte plus cher que la perte
d'un portefeuille glonflé, n'est-ce pas, il aurait du
renoncer à toute l'histoire de sa vie, revivre chaque
évènement et d'une façon nouvelle, car il n'aurait
pas été adapté à son moi.
Max Frisch Le désert des miroirs
p.48
Ce que
chacun saisit et livre de lui-même ne serait en
définitive que des "formes en creux" sculptées par les différents rôles qu'il tient
quotidiennement, traduits par les "histoires" qu'il se raconte. L'être profond est
en mouvance, une multitude de possibles, un "moi inqualifiable qui n'a pas
d'histoire, qui n'est pas plus sensible, ni moins réel que le centre de masse d'une
bague ou d'un système planétaire" dit Valéry. Une réalité humaine tout
en trompe l'oeil. Le moi ne serait qu'une représentation révocable ; et c'est en
un lieu situé entre l'expérience muette et l'anecdote explicite que ses modifications
peuvent intervenir.
Ne serions-nous pas tous, ces hommes de théâtre dont Brecht
disait :
Nous sommes des danseurs de corde et nous avons
besoin de la corde pour danser dessus, autrement
ils se mettent à utiliser la corde pour y pendre quelqu'un.
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