Atelier  Philo

L'origine de la notion de réalité ?

[Nouveau Thème]

Mardi 22 Janvier  2013 à 20h30


Lieu : le Ness
3, rue Très-Cloître Grenoble (tél. 04 76 54 44 71)

Séances précédentes :
La fonction du désir
Le corps, la jouissance et le langage
La jouissance au coeur des contraires
Bilan 2011/2012
Quelles règles ? Détermination du thème.
Peut-on penser/maîtriser le changement ?
Doit-on connaître pour maîtriser ?
Le changement : contrainte ou choix ?
Que devons-nous changer ?
Qu'est-ce que penser le changement ?
Le rôle de l'intersubjectivité dans la pensée et la maîtrise du changement ?
Changement ou éternel retour ?
Fin du thème : Peut-on penser/maîtriser le changement ?


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Présentation de l'espace philo :

L’ATELIER PHILO…

Historiquement, « l’atelier philo » s’inscrit à la fois dans la continuité et la rupture des « cafés philo » des années 1995-2005.

-          Dans la continuité, car il ne s’agit pas de conférence, ni d’exposé, (même suivi d’un débat), de la part de quelqu’un qui, possesseur d’un savoir, viendrait le transmettre ; chaque participant, quelle que soit sa compétence, s’exerce à exprimer son propre point de vue, sur lequel il permet ainsi, à chacun, d’opérer un travail de compréhension et de critique.

-          Dans la rupture aussi, par conséquent, car ce travail en commun devient l’aspect principal de l’atelier.

Le thème retenu – actuellement : « L'origine de la notion de réalité » - ne change pas à chaque séance, mais se poursuit sur plusieurs mois, voire l’année…Il donne lieu à une présentation personnelle au début de chaque séance (qui peut être mise en ligne quelques jours avant la réunion), et chaque participant est invité à rédiger une « trace » (compte rendu ou réaction subjective) distribuée la fois suivante, mais également consultable sur ce site.

1) en Premier : le  compte-rendu (suivi d'un rappel du texte d'introduction)

2) en Second : le Texte d'introduction de cette nouvelle séance

 

1) Le texte de Sylvette est apparu comme très significatif quant à la facilité avec laquelle nous « changeons » de champ de réflexion lorsque nous menons notre pensée.

« Je suggère le changement provoqué dans notre société par le progrès apporté par la science portant le nom de PMA (procréation médicalement assistée). »

D’entrée, nous sommes sur deux champs : celui de la science et celui de la morale. Quel est alors le sujet du débat : le fait que les progrès de la science ont des répercussions sur les valeurs morales ? ou simplement les données morales en jeu dans la PMA ? Voulons-nous discuter du rapport de la science et de la morale (avec pour exemple la PMA) ? Voulons-nous discuter de la PMA ?... où la science et la morale ne sont que des données parmi d’autres  comme le note très bien la fin du texte.

Or,

La science n’a aucun autre objectif que de « connaître » : où est le vrai ?

La morale, elle, a pour objectif l’ « action » : où est le bien 

La Théologie a pour objectif la conformité aux « textes » religieux.

Le Droit a pour objectif la « protection » de l’équilibre des forces : où est le juste ?

Le politique a pour objectif l’organisation de la vie de la cité, y compris la gestion des richesses.

Alors ?

Pourquoi les moralistes se penchent sur la PMA ? De fait, il faut bien évaluer ces nouveaux comportements qui remettent en cause l’idée de « nature ».

Pourquoi les théologiens sont-ils en effervescence à propos de la PMA ? Peut-être parce qu’il s’agit de « sexe » ostensiblement exposé et posé comme « ayant toute son importance » face à l’esprit!

Pourquoi les juristes sont-ils mobilisés à propos de la PMA ? Parce que toutes les dérives sont possibles et peuvent léser certains : propriété sous toutes ses formes, financières en particulier.

Pourquoi les politiques se préoccupent-ils de la PMA ? Parce que la cohésion du plus grand nombre est nécessaire.

Quant à la science, elle continue son chemin… et sera facilement utilisée, sans sourciller, par les uns et les autres pour justifier sa position.

Donc pour quoi ? En vue de quoi, ce « glissement », ce « changement » d’un champ à l’autre sans presque s’en apercevoir, sans maîtrise ?

Peut-être bien parce que si les idées s’enracinent dans l’ « émotion », l’émotion a très vite fait, dans le meilleur des cas, de « voiler » les idées (faute de pouvoir assumer certaines pertes), et dans le pire des cas, d’être le seul but vraiment poursuivi. Et, il faut l’avouer, qu’avec la PMA, qu’avec « le sexe » et l’ « enfant », nous étions fort exposés !!! On ne change pas la « culture » d’un geste !       Geneviève

Rappel du texte  -

J’ai proposé, pour clore nos réflexions sur le thème « penser, maîtriser le changement », de faire un bilan en prenant le temps de revisiter nos débats autour d’un exemple concret. Cette proposition ayant été acceptée, je dois proposer un exemple de changement et je suggère le changement provoqué dans notre société par le progrès apporté par la science portant le nom de PMA (procréation médicalement assistée).

La PMA est introduite dans la presque totalité des pays du monde, avec des nuances de positions en termes d’éthique, d’idéologie, de droit de la famille ou de droit de l’enfant qui nous permettent de considérer que c’est pratiquement une question universelle.

Quinze années après l’avoir mise au point sur l’animal, la science permet la naissance le 25 juin 1978 de Louise BROWN en Angleterre par FIV (fécondation in vitro), puis de Elisabeth CARR le 28 décembre 1981 aux Etats-Unis.

En France le 25 février 1982 nait Amandine, premier enfant conçu par FIVETE (FIV avec transfert d’embryon).

Cette pratique n’a cessé d’évoluer depuis et de permettre la naissance de milliers d’enfants. Entre temps notre société évolue jusqu’à se poser clairement la question aujourd’hui du mariage pour tous concernant les couples homosexuels. En effet, emboitant le pas à onze autres pays, dont la Belgique le Canada et l’Espagne, le gouvernement Français présente le 7 novembre son projet de loi sur l’ouverture du mariage aux couples homosexuels, ce qui ouvre son chemin vers le parlement à partir du mois de janvier 2013.

Immédiatement derrière la question de l’adoption qui va avec ce projet de loi, se pose entre autres la question de la PMA pour les couples de femmes.

Etait-il possible de penser, maîtriser ce changement qui contourne les limites posées par la nature lorsque la PMA a été mise au point il y a trente cinq ans ? Est-il encore possible de penser, maîtriser ce changement  alors que des décisions sont à prendre? Comment traiter cette question quand plusieurs regards se croisent, comme celui de la politique sur les institutions, du législateur à qui le gouvernement renverra la question de la PMA après avoir ouvert la voie, de la société toute entière  face à la nécessité d’une égalité entre tous? Ou pas ? Avec quelles conséquences ?

Sylvette.

2) Café philo – « l’origine de la notion de réalité » - Mardi 22 janvier 201  - introduction

« Ce n’est pas comment est le monde qui est le Mystique, mais qu’il soit. ». Ludwig Wittgenstein, Tractatus, Gallimard/Tel, 2004, p. 111

«…quand les sens introduisent dans l’entendement une idée, on ne peut qu’être convaincu que quelque chose existe à ce moment en dehors de nous, qui affecte les sens, qui par leur intermédiaire informe les facultés perceptives de son existence, puis qui produit effectivement cette idée que nous percevons alors. ». John Locke, Essai sur l’entendement humain, Livre IV, Vrin, 2005, p. 210

« La compréhension de l’être est l’archi-connu dans lequel nous nous tenons et séjournons toujours déjà ; elle est la lumière originaire de notre esprit. Et cette familiarité originaire avec l’être ne se laisse pas restreindre à une fonction particulière du pouvoir de connaître ; elle n’est ni sensibilité, ni entendement, ni raison. Dans l’impression sensible opaque et ‘sans pensée’ également, dans la simple vue de couleurs, dans la sensation d’une odeur, toujours l’être-étant de la couleur et de l’odeur est déjà compris de façon anticipée. ». Eugen Fink, Proximité et distance, Millon, 1994, p. 105

La notion de réalité, comme bien d’autres notions humaines, présente un aspect problématique : chacun sait bien ce qu’est la réalité, mais dès que l’on tente d’en donner une définition, on se trouve dans l’embarras. A cet égard une distinction de ce qui est visé par le terme « réalité » est importante, car derrière ce terme courant on peut viser des choses différentes : il y a la réalité des choses extérieures, donc les réalités, il y a l’unité du réel, dont on peut penser qu’elle englobe les réalités, et qui est donc la réalité (unique) ; d’autre part le problème de la réalité conduit à des distinctions métaphysiques subtiles : on peut distinguer entre l’existence elle-même, et l’essence, c'est-à-dire ce qui existe, mais on peut encore, puisque les réalités ordinaires changent et passent dans le temps, poser la question d’un substrat de la réalité, qui lui ne change pas, une substance immobile et éternelle, l’Etre, le Dieu de la métaphysique. Toutes ces questions, que l’on soit matérialiste ou idéaliste, présupposent cependant que le terme de « réalité » ait un sens pour l’homme, ou, pour le dire autrement que l’homme ait une notion de la réalité. Et ce qui est peut-être décisif, dans cette problématique, c’est la question de savoir quelle est l’origine de cette notion.

Laissons pour l’instant de coté la question de savoir quelle est la portée de cette notion, c'est-à-dire de savoir si elle a une valeur objective ou pas, et posons seulement la question de son origine. Si c’est une notion, elle réside tout au moins dans l’esprit humain. Elle se rapporte donc à une faculté humaine, et tout le problème est de savoir laquelle. C’est la querelle historique entre les empiristes et les innéistes. Soit l’on pense que l’idée de réalité est innée, soit l’on pense qu’elle est acquise à partir d’autre chose qu’elle-même. Considérons d’abord cette seconde possibilité. En effet quelle réalité connaîtrions nous si nous ne percevions pas d’abord ? Si l’on suit le chemin de cette question, il va apparaître évident que toutes les réalités que nous connaissons d’abord, le monde environnant, les choses du quotidien, nous les connaissons d’abord par les sens, et que si l’on ne perçoit rien, on ne peut jamais affirmer que « quelque chose » existe. Autrement dit il y a une interdépendance de la notion de réalité et la sensibilité, telle que hors sensibilité la notion de réalité ne correspond jamais à quelque chose, or il est inclus dans la notion de réalité qu’elle se rapporte à quelque chose et non pas à rien. A ce stade il est clair que la notion de réalité doit correspondre aux différents sens de la sensibilité. Mais peut on alors affirmer que la notion de réalité provient de la sensibilité ? C’est ce qui n’est plus du tout évident. Car il faut poser la question de savoir ce que la notion de réalité renferme proprement. Si je dit : « ce paquet de cigarette est rouge », ou « ce paquet de cigarette est vide », je dit autre chose que quand je dit : « ce paquet de cigarette existe ». Autrement dit, ce qui est communiqué par la sensibilité est bien distinct de la réalité elle-même, et on ne voit pas du tout comment, de la sensibilité seule, pourrait être dérivée la notion de réalité, même si elle l’accompagne nécessairement. C’est là que se pose la question de l’innéisme. Si la notion de réalité n’est pas acquise à partir de la sensibilité, reste alors qu’elle est innée : certains iront même plus loin et affirmerons qu’elle est le propre de l’homme. On atteint là le niveau existentiel du problème. Parce que la notion de réalité est toujours corrélative à ma liberté pratique, être conscient du réel c’est en même temps être conscient de « ce qui est en cours », de « ce que je fais », je donne, à ce niveau, sens au réel. Autrement dit, la question de l’origine de la notion de réalité n’est elle qu’un problème relevant de la théorie de la connaissance, ou doit-on assumer le problème au niveau de la condition humaine tout entière ? On rencontre ici tout un groupe de problèmes, certainement difficiles, qui fourniront peut-être la matière aux débats qui vont suivrent.

David