Atelier  Philo

Quel phénomène fonde l'expression "la pensée" ?

[Thème : Quelle est la nature de nos pensées ?]

Mardi 14 Janvier  2014 à 20h30


Lieu : le Ness
3, rue Très-Cloîtres Grenoble (tél. 04 76 54 44 71)

Image :
Salvator DALI  "Apparition d'un visage et d'un compotier sur une plage"




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L’ATELIER PHILO…

Historiquement, « l’atelier philo » s’inscrit à la fois dans la continuité et la rupture des « cafés philo » des années 1995-2005.

-          Dans la continuité, car il ne s’agit pas de conférence, ni d’exposé, (même suivi d’un débat), de la part de quelqu’un qui, possesseur d’un savoir, viendrait le transmettre ; chaque participant, quelle que soit sa compétence, s’exerce à exprimer son propre point de vue, sur lequel il permet ainsi, à chacun, d’opérer un travail de compréhension et de critique.

-          Dans la rupture aussi, par conséquent, car ce travail en commun devient l’aspect principal de l’atelier.

Le thème retenu – actuellement : «.Quelle est la nature de nos pensées ?» - ne change pas à chaque séance, mais se poursuit sur plusieurs mois, voire l’année…Il donne lieu à une présentation personnelle au début de chaque séance (qui peut être mise en ligne quelques jours avant la réunion), et chaque participant est invité à rédiger une « trace » (compte rendu ou réaction subjective) distribuée la fois suivante, mais également consultable sur ce site.

       Texte de présentation :

    Deux ou trois précisions d'abord sur le terme de "phénomène". On connaît, dans notre culture, "les

    phénomènes naturels", les "phénomènes sociaux" etc. En philosophie, le terme de "phénomène"

    est très surchargé: Aristote, voulait, contre Platon, "sauver les phénomènes", Kant, plus tard,

    prescrivait de s'en tenir aux phénomènes, et enfin, au XXème siècle, la phénoménologie avait

    l'assurance d'une démarche débarrassée de la ratiocination. Notre question: "Quel phénomène

    fonde l'expression 'la pensée' ?" prendra le phénomène au premier sens, au sens des "phénomènes

    naturels" et des "phénomènes sociaux".

    Ce qui permet d'aborder le problème de la pensée à partir de la réalité elle-même, commune,

    quotidienne, partagée. A ce niveau, qui est en vérité le fondement de toute approche

    philosophique, chacun sait bien ce qu'est la pensée, et il sait en outre qu'il n'est jamais le seul a

    penser, mais que "la pensée" est une faculté dont il est problématique de dire qu'elle est

    individuelle: certes chacun pense par lui-même, mais toujours dans l'espace de la communauté; on

    est toujours le sujet de ses propres pensées, mais dans l'élément d'une culture dans laquelle on est

    entré par le langage; par celui-ci on hérite de représentations qui ont mis elles-mêmes des

    millénaires à se construire; notre propre pensée, en vérité, n'est possible que dans l'appartenance à

    une "pensée collective". C'est au sein de cette réalité d'ensemble là que doit s'aborder, selon nous,

    le "phénomène" de la pensée.

    Ce que nous disons donc c'est que le "je pense" cartésien n'est pas, en réalité, premier. Si on

    demande : "quel phénomène fonde l'expression 'la pensée' ?", nous disons que ce n'est pas le "je

    pense" qui est premier. Au niveau du phénomène, c'est toute la réalité qui fonde ce phénomène,

    en ce que il faut, pour que je pense, que je naisse de mon père et ma mère, pour qu'eux existent, il

    faut l'espèce humaine, pour que celle-ci se développe, il faut la planète Terre et les conditions

    qu'elle offre; pour la planète Terre, il faut le système solaire, etc. Le phénomène de base, pour que

    la pensée ait lieu, c'est donc la réalité toute entière. Avec toute la fierté que je puisse avoir, je ne

    suis pas, moi qui pense, premier absolument dans l'ordre des choses.

    Donc, de ce point du vue, si on demande quel phénomène "fonde la pensée", on doit dire qu'il y a

    une hiérarchie de moments, que l'on peut distinguer, et qui conditionnent, tout au moins

    l'apparition de la pensée. Après, bien sur, retenant cette "contextualité" totale, on devra se

    pencher sur la pensée proprement dite.

    La première chose, à ce second niveau, c'est l'article défini "la", dans l'expression "la pensée".

    L'emploi de l'article défini semble induire que "la pensée" est une entité propre, ce qui n'est pas du

    tout conforme au phénomène. Il n'y a jamais un seul individu qui pense, mais tout individu pense

    dans la coexistence sociale, d'une part, et, d'autre part, la pensée ne saurait, et c'est cela qui est

    important, être saisie pour elle-même, même au niveau individuel. Si je ne pense pas quelque

    chose, si ma pensée ne se rapporte pas à quelque chose, je ne pense rien. Il y a là le renvoi à une

    relativité fondamentale: toute pensée, en tant qu'elle incarne une compréhension de la réalité, se

    rapporte aux choses via les sens: je pense ce que je vois, ce que j'entends, sens, etc. Ce qui fonde

    donc "la pensée" c'est d'une part la réalité (matérielle) que je pense, d'autre part les fonctions

    organiques (matérielles elles aussi) par lesquelles je rencontre le réel. Il n'y a jamais de pensée

    pour soi, une, substantielle, isolée. En vérité, on (et non je) comprend la réalité, on la partage

    avec tout un chacun; pour nous il n'y a pas tant "pensée" (terme trop abstrait, trop vide), que la co-compréhension.

    L'humanité est l'espèce qui co-comprend le réel, et cette co-compréhension n'est

    pas primordialement théorique, mais bien concrète : comprendre c'est d'abord comprendre la

    situation en vue d'agir, et encore agir, sinon collectivement, dans l'espace d'une activité partagée.

    On nous fera l'objection: le mathématicien, le métaphysicien, nourrissent un intérêt purement

    "théorétique", et dénué de signification pratique. Pour nous cet argument n'est qu'apparemment

    vrai. Car la réflexion du mathématicien comme du métaphysicien part du réel et y retourne. Et

    même les sciences les plus contemplatives ne sont jamais pures et auto-suffisantes, elles reposent

    sur une composante de la réalité coexistentielle humaine, qui est que l'homme comprend la réalité.

    Le problème est que, ultérieurement, l'homme aura la tentation de distinguer, de séparer, pour ne

    pas dire disséquer, ce qui originairement n'a rien ni de distinct ni de séparé, et donc chercher à

    comprendre en soi "la pensée" a effectivement la forme d'une tâche infinie, pour autant que ce

    problème réside en vérité sur une erreur de départ. "La pensée", par elle-même, n'est que

    l'abstraction d'une spécificité de l'existence humaine, et, si on veut véritablement la comprendre

    (ce qui est légitime), il faut la situer dans le phénomène d'ensemble dans laquelle elle se révèle: la

    réalité toute entière, d'une part; la réalité humaine en particulier; et, dans ce cadre, on peut espérer

    en avoir une intelligence juste.

    Ce texte a été écrit par "DAVID" dont le sujet avait été retenu la dernière fois : il servira de point de départ à la discussion.

     

     

Séances précédentes :

Passion, désir, besoin

La fonction du désir

Le corps, la jouissance et le langage

La jouissance au coeur des contraires

Bilan 2011/2012

Peut-on penser/maîtriser le changement ?

Quelles règles ? Détermination du thème.
Peut-on penser/maîtriser le changement ?
Doit-on connaître pour maîtriser ?
Le changement : contrainte ou choix ?
Que devons-nous changer ?
Qu'est-ce que penser le changement ?
Le rôle de l'intersubjectivité dans la pensée et la maîtrise du changement ?
Changement ou éternel retour ?
Fin du thème : Peut-on penser/maîtriser le changement ?

L'origine de la notion de réalité

L'origine de la notion de réalité
Est-ce qu'on voit ce que l'on croit ou est-ce qu'on croit ce que l'on voit ?
Toute pensée est-elle une réalité ?
Au commencement, était-ce le Verbe ?
La conscience est-elle dans la réalité ?
Le réel est-il intelligible ?
Le réel comme présence ou comme croyance ?
Comment le faux peut-il produire le vrai ?
Le rôle de l'émotion dans la recherche de la vérité ?
L'art permet-il de connaître l'origine de la réalité ?
Peut-on penser l'origine de la réalité ?
Comment peut-on dire qu'une chose est imprévisible ?
Détermination du thème

Quelle est la nature de nos pensées ?

Qu'est-ce qu'une idée ?
Est-ce que la pensée est un processus continu ?
Quelles sont les relations entre le langage et la pensée ?
Comprendre le monde, est-ce le penser ?
Les différents modes de conscience ?
Peut-on penser l'impensable ?
La pensée est-elle réductible à la matière ?