Atelier  Philo

La pensée et le temps ?

[Thème : Quelle est la nature de nos pensées ?]

Mardi 13 Mai  2014 à 20h30


Lieu : le Ness
3, rue Très-Cloîtres Grenoble (tél. 04 76 54 44 71)

Image :
Schéma de BRAHIM
(cf. sa présentation ci-dessous)







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L’ATELIER PHILO…

Historiquement, « l’atelier philo » s’inscrit à la fois dans la continuité et la rupture des « cafés philo » des années 1995-2005.

-          Dans la continuité, car il ne s’agit pas de conférence, ni d’exposé, (même suivi d’un débat), de la part de quelqu’un qui, possesseur d’un savoir, viendrait le transmettre ; chaque participant, quelle que soit sa compétence, s’exerce à exprimer son propre point de vue, sur lequel il permet ainsi, à chacun, d’opérer un travail de compréhension et de critique.

-          Dans la rupture aussi, par conséquent, car ce travail en commun devient l’aspect principal de l’atelier.

Le thème retenu – actuellement : «.Quelle est la nature de nos pensées ?» - ne change pas à chaque séance, mais se poursuit sur plusieurs mois, voire l’année…Il donne lieu à une présentation personnelle au début de chaque séance (qui peut être mise en ligne quelques jours avant la réunion), et chaque participant est invité à rédiger une « trace » (compte rendu ou réaction subjective) distribuée la fois suivante, mais également consultable sur ce site.

       Texte de présentation :  La pensée et le temps

    Je perçois le concept comme une torche qui permet d’éclairer des recoins sombres du tableau du monde. Or la pensée et le temps sont parmi les concepts les plus ardents de la philosophie. Que puis-je donc voir avec deux torches en même temps?

     Je me suis d’abord tourné vers les sciences de la nature dans l’espoir de voir enfin ce fameux temps invisible. Car depuis que Newton l’a dompté sur un chemin rectiligne, tout le monde a cru que le voile intégral sur le tableau du monde a enfin été levé. A ma grande surprise, j’apprends en tendant l’oreille à ce qui se dit dans les congrès de la cosmologie que le temps était devenu pour eux un invité encombrant, incommodant, et qu’ils feraient mieux de s’en débarrasser le plus tôt possible et tant qu’à faire de l’espace aussi (C. Roveli, "Et si le temps n’existait pas", Dunod 2012). Au niveau fondamental, pour certains physiciens le temps et l’espace ne semblent plus nécessaires (j’en connais un qui doit se retourner dans sa tombe). Ainsi, je suis reparti triste et frustré en me disant que la science ne pense peut-être pas en effet !

     Il me reste donc à éprouver la philosophie, que peut-elle penser du temps ? En guise de matière à penser, j’ai mis en correspondance sur le tableau suivant quelques similitudes et différences entre la pensée et le temps:

    La pensée a besoin du temps (sauf dans les rêves ?)  Le temps n’a pas besoin de la pensée

     La pensée est-elle réversible ?   Le temps est irréversible

    La pensée spatialise    Le temps se spatialise

     La pensée transcende le temps    Le temps transcende-t-il la pensée ?

     On n’arrête pas la pensée    Le temps non plus

     La pensée est verticale    Le temps est horizontale

     La pensée a une histoire    Le temps a-t-il une histoire ?

     La pensée vieillit…     Le temps reste jeune…

    Aussi, pour décrire le lien fort entre la pensée et le temps, l’image qui me vient à l’esprit est celle d’une onde qui définit une temporalité, une pulsation pour être précis. Pour illustrer cette idée, j’ai esquissé un schéma qui met à plat cette image (un schéma permet de transcender l’imaginaire). Avant d’être je n’étais même pas une «chose mentionnable», après être je disparaitrai du langage, et entre être et non-être la pensée se déploie dans des temporalités pulsées par le rythme du monde et des autres.

    Ce texte a été écrit par "BRAHIM" dont le sujet avait été retenu la dernière fois : il servira de point de départ à la discussion.

    En réaction ... pour poursuivre !

    « La pensée et le temps » sujet de Brahim. Notes totalement subjectives de Laurent.

    Brahim : évolution du regard de la science sur le temps : 1/newton 2/Einstein 3/ la physique des particules (3 sous principes à l’oeuvre dont la simultanéité et la causalité ensemble… comment une cause peut émerger en même temps que sa conséquence ?

    « la pensée est la conquête de la verticalité » Levinas

    A certain niveau d’énergie dans les particules, autour du big bang , dans la mécanique quantique le temps n’existe pas

    François-marie : opposition structurante de l’occident dans les mythes grecques car Parménide à gagné contre Héraclite Le temps dévore ses enfants. Puis au moyen âge la pierre philosophale la transmutation du plomb en or. Je divise l’unité de l’être tout comme en touchant le mercure il se divise

    Mohamed « la Tao n’a ni début ni fin »

    Stéphane « s’il y a un retour des choses c’est qu’entre les 2 il y a le temps »

    Existe l’intemporalité dans le sens je retrouve dans mon passé un sentiment que je connais à nouveau.. À quoi Laurent répond que tout souvenir est reconstruction (et que il est donc logique qu’une reconstruction mentale actuelle ressemble à une construction mentale actuelle)

    Bernard : « il est difficile de penser conceptuellement la singularité »

    Quand je vais de A à B puis de B à A ça prends le même temps mais ce n’est pas le même mouvement… illustrant ce que dit Bergson sur le fait que les équations mathématiques sont fausses pour traiter le temps (linéaire tel qu’on l’entend) puisque qu’ll resterait juste si on allait du futur vers le passé

    En chine : pas de passé ni présent ni futur mais juste des moments, des transitions des passages.

    On substantialise tout ce qui est processus

    « La pensée du futur n’est pas le futur »

    Par opposition au terme « temps » le terme « temporalité » suppose le mouvement

    Le temps ne permet pas de penser le mouvement. Voir l’aporie du lièvre et de la tortue ou de la flèche qui n’atteint jamais sa cible (puisque dans un temps T2 elle franchit la moitié de la distance qui la séparait de la cible au temps T1…elle atteint jamais sa cible)

    « Ce qui existe c’est les horloge, pas le temps » « le temps est une invention sociale »

    Bernard invite à lire un philosophe grenoblois Julien qui a écrit ou fait une conf « ou est passé le temps »

    Ce que j’en ai compris : en occident : on est cartésien, on tranche, on sépare, on disjoint, on utilise des concepts qui éloigne du Réel (et nous plonge dans la Réalité c'est-à-dire dans la subjectivation du Réel)

    Laurent : est ce que l’idée d’une bonne tomate, n’est pas presque aussi bonne que la tomate elle-même ? Est ce que la tomate existe en dehors de la représentation que j’en ai. Bernard répond : donne moi ton verre de bière si seule son idée te suffit.

    Le temps est une propriété de l’être. Quelle est cette réalité que je veux penser à travers le mot « temps »

    Saint augustin : la pensée permet de rendre présent l’un et l’autre (le passé et le futur » avec exégèse de Mohammed disant que c’est un exercice de conscience voyant encore dans le présent du passé et déjà dans le présent du futur

    Moustapha : en chine « rien n’est urgent, il n’y a que des gens pressés

    Moustapha citant Shakespeare : « la pensée est l’esclave de la vie et la vie est le fou du temps »

    Colas « le temporel chez moi est un sous-espace de l’intemporel ». Je suis en méditation, je ne juge pas ce qui m’arrive « je suis l’innocence totale… » Le but de ma pensée est de me mettre en synchronie avec le monde. La méditation permet d’unifier les points de vue, je suis en phase avec la réalité. La méditation permet de dépasser le temps car s’il ya joie, harmonie et vibration, le temps ne passe plus. Seule la douleur la tension l’opposition, fait passer le temps.

    Big bang : densité d’énergie énorme : pas de temps. Aujourd’hui énergie moindre, le temps commence à peser. Dans le chaos « intérieur » (il fait un parallèle ou même un lien direct entre la physique du big bang et la personne) il ya a pas d’énergie

    Paroxysme de ce raisonnement : le sommeil, je me réunie à moi-même, je recherche la paix et l’harmonie en moi, je gère les tensions, et le temps disparaît entre mon endormissement et mon réveil

    Plus on s’ouvre au présent plus le temps passe vite et plus on refuse une chose et plus le temps est long. C’est dans la souffrance que le temps est long

    Si on enlève le temps, la pensée s’écroule comme un château de carte

    Pas de temps sans pensée et pas de pensée sans temps

    Si on veut échapper au temps il faut fixer la pensée

    Laurent

     

    Brahim annonce clairement, en ouverture de séance, que c’est le problème du « Temps » qui l’intéresse. Il ne peut se résoudre aux conclusions des scientifiques qui, au jour d’aujourd’hui, ne se voient plus dans la nécessité de considérer « le temps » dans leurs hypothèses d’explication de la nature.

    Alors, Brahim se tourne vers la  philosophie et nous voilà  pris au piège de « la pensée » [annoncée] : la pensée du philosophe face à la pensée du scientifique. Pourquoi une différence ? N’est-ce pas le changement de registre que nous nous permettons alors qui crée la confusion ?

     Qui nous oblige à affirmer l’existence du temps sinon, peut-être, tout simplement, notre angoisse de la mort, notre peur de perdre le contrôle total de la vie, notre incapacité à nous considérer dans une grande relativité, notre difficulté à vivre dans le « je-ne-sais-pas » ? Le renoncement à la certitude est une épreuve : la religion, les mythes calment l’esprit ; la respiration nous donne la grande certitude d’une existence, celle de notre corps. Mais nous sommes là dans le flux de pensée, de conscience, du vécu.

      Or, jetés dans ce monde, éléments de la nature, nous réagirons, en principe, mais pas toujours, et nous essaierons de suivre le cours, le flux (le mouvement) de la vie et de lutter contre la mort : les représentations du temps  en séquences (passé, présent, avenir), en heures etc… au sein de nous-mêmes ou de la structure sociale , représentations multiples  et évolutives, nous arment pour intervenir avec efficacité, sur le monde auquel nous nous  heurtons – monde mental ou physique.

    Alors, la pensée/ et /le temps ? Il ne semble pas qu’on puisse les mettre sur le même plan ! La pensée, scientifique ou philosophique, quelle est-elle ? Quelle est cette activité qui nous permet de « parler » du temps ?

    Geneviève

      Quelques remarques :           

    1) Que la science remette en cause la façon dont jusqu’à présent la question du « temps » était abordée et analysée ne peut en aucun cas être la manifestation que la science ne pense pas, mais bien au contraire qu’elle pense et qu’elle est capable de remettre en question ses propres conclusions.

    2) le « temps » est-il une réalité en lui-même ou d’abord une façon que nous avons de parler de phénomènes que nous observons et dont  nous essayons ainsi de rendre compte ? Quels sont ces phénomènes sinon le fait pour tout être d’apparaître, se développer, et disparaître, selon un rythme propre à chaque catégorie d’être, ce qui constitue la « temporalité » de cet existant ? Seule peut-être existe réellement cette temporalité, propriété de l’existant, et non réalité à part.  Le « temps » et « l’  espace » sont en effet d’abord des outils théoriques dont l’homme s’est servi jusqu’à présent pour rendre compte de ce qu’il observait et nous avons fini par les confondre avec des réalités proprement dites, compte tenu que les éléments eux-mêmes étaient pensés par nous comme fixes et ne « bougeant » que suite à l’influence sur eux d’une cause extérieure, et en particulier du « temps » . Penser le « temps » comme la propriété pour tout être d’être « temporel », suppose au contraire que nous pensions d’abord cet être, non comme fixe, mais comme « évoluant ».

    3) Cette « temporalité » a son propre rythme dépendant à la fois de la structure de l’être en question, et des influences externes ( en particulier la gravité) qui s’exercent sur lui, l’univers lui-même ayant sa propre temporalité qui me donne le sentiment que le « temps » s’impose à moi, et à tous, comme un élément extérieur. Le terme de « pulsation » utilisé par Brahim est d’ailleurs ici intéressant.

     

                    4) Ma temporalité est évolutive et donc variable ; elle réside, en fin de compte, dans le rythme de mon acheminement vers la mort, rythme  sous l’influence constante et indissociable de causes externes et internes, dont la répartition est quasi, et peut-être même tout à fait, impossible à déterminer.

     Bernard

    1) Il me semble que la notion de "temporalité" proposée par Bernard permet, d'abord, une autre appréciation des notions de "passé", "présent" et "futur". Bien sûr, le passé n'existe plus et l'avenir pas encore, mais dans la conscience de tout individu (de tout être vivant disposant de cette propriété qu'est la temporalité) le présent est constamment tissé de passé (remémoré et donc reconstruit, mais le passé des historiens est-il autre chose qu'une reconstruction, même si c'est sur la base de documents, à partir du présent de l'historien qui les explique et interprète?) et d'avenir, lui aussi constamment sollicité (interrogé, anticipé, craint, espéré, etc...) par cette conscience. La notion de temporalité permet, me semble-t-il, d'envisager un autre mode d'articulation de ces trois "temps" (ce dont la fiction moderne, avec en particulier l'utilisation du "présent de narration", rend compte) : celui de leur coexistence dans la temporalité propre à tout être vivant.

     

    2) A partir de là, on peut aussi réinterroger la notion de réel compris en tant que bloc massif, intangible, constitué d'actions et d'événements opposé au monde irréel, évanescent, des pensées, rêveries, fantasmes, imaginations ... Mais la coupure est-elle vraiment aussi nette? Nos états "passifs" (rêveries, pensées, désirs, fantasmes, qui en fin de compte, fournissent à chacun ses raisons de vivre et d'agir) n'interfèrent-ils pas sur notre perception du réel "actif", perception qui est en définitive notre seul mode de connaissance de ce dernier? Et ne peut-on pas envisager le réel comme un "continuum" englobant les actions et les pensées, le réel dans son indistinction avec la pensée?

    Mohamed

    Puisque l'on a peu parlé de la profondeur du temps, voici mon commentaire en forme de Slam que j'ai interprété à la bobine il y a quelques temps:

    "Je cherche, une bouffée de flash"


    Je cherche, je suis, le flux, que je fuie, alentour, et je fuis de toutes parts, en cercle fermé.
    Alors je cherche, alentours, et je cherche, et j'oublie.

    Un souffle de vie s'insinue, dans le trou béant des fuites, et s'engouffre, en vent chaud de tes parfums divins.

    Et puis j'oublie, alors je cherche, je fuis, et puis j'oublie. 

    Un souffle de vie s'insinue, en vent chaud de tes parfums divins.


    Pas de choix, ma volonté est trop faible : tu me parles et je t'entends, en dehors de tout cercle et du temps, rentre dans la boucle, crée une nouvelle période, s'incarne alentours, tout autour, et je fuis, de toutes parts.


    Alors je cherche, je cherche, et j'oublie. Un souffle de vie s'insinue : ma volonté est trop faible, impose à ma mort un come-back serein.
    Pas de choix : tu me parles et je t'entends, rentre dans le cercle, en dehors du temps.

    Alors j'oublie, et je cherche, j'oublie. Un souffle de vie s'insinue, en une bouffée de flash : ma volonté est trop faible, impose à ma mort un come-back serein. 

    Tu me parles et je t'entends, souffle chaud de tes parfums divins, s'insinue en dehors du temps, 

    dans le flux, que je suis,

    impose à ma mort un come-back serein, bouffée de flash, 

    hors du temps, tout autour, 

    en dedans, souffle chaud de tes parfums divins.

    Slam - La Bobine, Grenoble.

    Stéphane

     

     

     

Séances précédentes :

Passion, désir, besoin

La fonction du désir

Le corps, la jouissance et le langage

La jouissance au coeur des contraires

Bilan 2011/2012

Peut-on penser/maîtriser le changement ?

Quelles règles ? Détermination du thème.
Peut-on penser/maîtriser le changement ?
Doit-on connaître pour maîtriser ?
Le changement : contrainte ou choix ?
Que devons-nous changer ?
Qu'est-ce que penser le changement ?
Le rôle de l'intersubjectivité dans la pensée et la maîtrise du changement ?
Changement ou éternel retour ?
Fin du thème : Peut-on penser/maîtriser le changement ?

L'origine de la notion de réalité

L'origine de la notion de réalité
Est-ce qu'on voit ce que l'on croit ou est-ce qu'on croit ce que l'on voit ?
Toute pensée est-elle une réalité ?
Au commencement, était-ce le Verbe ?
La conscience est-elle dans la réalité ?
Le réel est-il intelligible ?
Le réel comme présence ou comme croyance ?
Comment le faux peut-il produire le vrai ?
Le rôle de l'émotion dans la recherche de la vérité ?
L'art permet-il de connaître l'origine de la réalité ?
Peut-on penser l'origine de la réalité ?
Comment peut-on dire qu'une chose est imprévisible ?
Détermination du thème

Quelle est la nature de nos pensées ?

Qu'est-ce qu'une idée ?
Est-ce que la pensée est un processus continu ?
Quelles sont les relations entre le langage et la pensée ?
Comprendre le monde, est-ce le penser ?
Les différents modes de conscience ?
Peut-on penser l'impensable ?
La pensée est-elle réductible à la matière ?
Quel phénomène fonde l'expression "la pensée" ?
Peut-on penser sans croyance ?
Peut-on entraver la liberté de penser ?
Y-a-t-il des liens entre la liberté individuelle et les libertés collectives ?
L'esclave : oui-non ou plus ou moins ? de qui ou de quoi ? ?
La réflexion dégrade-t-elle l'intuition ?
Peut-on définir la conscience ?
Peut-on penser sans langage ?
Peut-on faire un atelier philo sans mots ?