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Le langage : ses errements, ses malentendus (Echos multiples à l'Atelier Philo du 14 Mai 2019) : Quand l'écrit suit la "parole" !!! LAURENT
En lien direct avec notre dernier sujet "le langage, ses errements, ses malentendus" je viens de retrouver un texte en tres intéréssant de François Julien qui est un sinologue, philosophe.
Le hasard veux qu'il ait été invité (toujours pour parler du langage) il y quelques jours dans la "conversation scientifique d'Etienne Klein" sur France Turecule: https://www.franceculture.fr/emissions/la-conversation-scientifique/francois-jullien-un-chemin-de-traverse
Il nous dit par exemple que le verbe "être" au sens de "je pense donc je suis" n'existe pas en chinois.
J'ai noté pele-mèle de sa part en raisonnance avec ce qu'on s'est dit:
"Une autre langue ne s'imagine pas. La pensée exploite les ressources de la langue. On pense en langue. On pense à partir de l"impensé. Philosopher c"est penser contre la langue. " Assigner, c’est donner un lieu à une chose, et lui donner une propriété. Notre pensée est assignante. Il existe deux façons de dire "paysage" en chinois, la plus ancienne étant « Montagne(s) eau(x) ». Notre langue est une langue qui choisit parce qu’elle a une grammaire, le chinois n’a pas ça, il ne choisit pas. Lorsque le Chinois dit « Montagne(s) eau(x) » il pose une corrélation
J'espère bien en vous envoyant contester l'idée qui a circulé dans notre débat et qui presentait le langage comme un simple outil, un simple moyen d'expression de notre pensée.
Geneviève Force est bien de constater que « le langage » a pris une place centrale dans notre période historique : les adultes nés au siècle précédent ont appris à « parler », à utiliser « individuellement » le langage, en public, osant se tromper sur le sens des mots ou l'organisation logique de leurs phrases (errements), ou affronter les désaccords (les malentendus ; pas de langage unique)(cf. Café Philo) ; les enfants contemporains, eux, en famille ou au sein de la classe, tendent à considérer leur « parole » comme incontournable, car tout à la fois légitime en tant qu'appartenant au groupe social et forcément juste ; puis, de façon très contradictoire, alors que la libération de l'impact du regard de l'autre permet de « parler » à tout-va sur les réseaux sociaux, nous réclamons souvent la présence, en chair et en os, de l'auteur d'un propos (photo), de l'auteur d'un texte (présence effective) ou « la lecture à voix haute » de son écrit. Qu'ont donc de cruciaux cette parole et ce langage ? L'adulte du vingtième siècle quand il découvre son corps, découvre « sa parole empêchée », et par ce fait même l'importance du langage, tant au point de vue individuel (la parole) que collectif (la culture). Il comprend que le monde dans lequel il vit, le sien propre qui ignore l' Inconscient, celui de la société qui ne peut faire l'économie du « vivre ensemble », est porté par un Langage « spécifique » (le choix d'une langue, de certains mots avec un certain sens, d'une grammaire, de certains liens logiques ), qui permet de tracer un sens : est-ce une pure construction ? Est-ce un dévoilement ? Peu importe, peut-être. L'essentiel serait dans la découverte d'une part, que « la cohérence semble faire foi », d'autre part que « tout n'est pas dit » (en connaissance de cause ou non) et enfin surtout « qu'autre chose peut être dit » : nous serions face à un problème de Pouvoir et non de Vérité. La question est donc de savoir à qui, à quoi, nous donnons le Pouvoir. On ne peut alors faire l'économie d'examiner le langage, celui de l'autre et le sien, pour en saisir les significations, les manques, les incohérences etc..., examen au terme duquel des choix seront faits : notre pensée se sera déstructurée et restructurée. Cependant, ne soyons pas naïfs : toute déstructuration est grave puisqu'elle ouvre toutes grandes les portes, de ce qui est propre à l'individu ( sa subjectivité) (cf. rêves, délires, hallucinations, perte d'ancrage dans la réalité) que ce soit chez un individu en rupture avec l'Idéologie de son milieu, ou un individu, tel l'étranger, en situation de rupture avec la Culture de son pays. « L'ensorcellement » du langage peut être parfois une nécessité et en particulier, peut-être, pour l'enfant qui se construit. Pour finir, soyons honnêtes : « l'autre », dans son altérité, agissant comme un miroir, paraît bien essentiel à ce processus de création et n'oublions pas que « le langage » quotidien, qu'il soit « parlé » ou « écrit », n'est pas le seul langage. Il y a aussi, entre autre, le langage de l'Art, ce langage qui par sa logique, est capable d'embrasser, de faire un bouquet, avec nos données contradictoires : ce texte « beau » étant tout à la fois des mots, des sons, des sens, des affects etc.. dont l’entrelacs particulier fait disparaître l'auteur pour n'être plus qu'investi par un lecteur qui entrera dans un autre monde. Réponse de Jacques à Laurent Oui, nous ne sommes pas chinois : le réel des chinois n’est pas le nôtre et se traduit par une organisation spécifique du langage. De même que les allemands mettent le sujet à la fin de la phrase et nous au début. Réponse de Jean-Pierre
Intéressant de compléter notre discussion par une réflexion sur le paysage
vue par culture chinoise qui essaye de saisir globalement
et vue par une culture européenne qui détaille et reconstruit avec des mots
des définitions et des organisations grammaticales.
Suite à nos discussions,
Je voudrais d'abord faire deux rectificatifs:
le premier j'ai dit que le langage était un outil mais pas " qu'un outil"
et il semblerait que ce que j'ai entendu et lu parle du "LANGAGE"
comme s'il n'en existait qu'un.
Dans mon esprit les langages sont bien sûr multiformes
et leurs contraintes sont parfois différentes et les langages non écrits
sont moins formels mais restent des outils de communication.
L'idée que le langage enferme ce qu'il décrit,
qu'il corsète les pensées en les exprimant
qu'il oblige a passer par les fourches caudines des mots
dont les sens ont été déterminés
me convient et je suis d'accord avec cela.
Mais aussi je pense qu'il est possible de franchir les barrières du langage
pour exprimer ses idées,
que les différentes langues mêmes occidentales
permettent de mettre des différences car les traductions
ne se font pas toujours mots pour mots
que de nouveaux mots apparaissent sans cesse
et que les langages sont vivants même avant d'entrer
dans leurs dictionnaires respectifs.
Pour aller au-delà de la barrière du langage il faut d'abord penser y aller
et que toutes les barrières sont faites pour être franchies.
Penser d'abord qu'il y a une barrière pour la franchir ,
c'est être conscient de l'obligation des mots et de ce qu'ils représentent
pour s'en affranchir.
Ne pas le faire c'est consciemment ou inconsciemment une façon de s'y soumettre.
Pour un philosophe n'est-ce pas le travail de questionner
ce qui paraît acquit dans le langage et d'aller explorer au-delà
de nouvelles pensées et de nouveaux concepts ?
Si notre langage devait conditionner notre pensée nous penserions tous
sensiblement de la même façon.
Et ici même je pense que nous ne pensons pas tout à fait la même chose.
Jean Pierre
Le problème d’incompréhension vient du fait que nous pensons qu’il y a qu’un seul réel. Les mots sont une programmation émotionnelle de notre rapport au réel. C’est la raison pour laquelle nous n’avons n’accordons pas le même sens au mot langage, et selon
mon réel, je pourrais le nommer une « image qui chante ». De la même manière ce que j’appelle un animateur est pour vous un « distributeur de parole », et qu’un fusil est pour un indien, un bâton qui crache le feu.
Toujours dans cette même quête des conditions nécessaires à notre pensée et à notre langage, je vous recommande l'article : on nous y dit que notre cerveau associe les mots pour les placer dans une arborescence. Notre cerveau range range nos idées dans des chambres puis des armoires puis des tiroirs etc... Et même si nous sommes "équipés" de naissance par ce "logiciel" (heureusement mes parents m'ont pris l'option) il n'empêche que c'est par un conditionnement culturel et non plus biologique que nous décidons d'associer tel mot avec tel autre pour les réunir.
Réponse de Jacques Eh oui, nous sommes une biologie culturelle, et pas une culture qui nous vient seulement de la culture du maître d’école. Ce que veulent montrer les neurobiologistes est que notre équipement biologique de départ est partie prenante de la construction d’un langage et d’une culture. Notre cerveau est pré-équipé pour l’affaire. C’est par ailleurs ce qui rend possible l’idée hégélienne d’esprit absolu. La possibilité d’un ordre grammatical du langage se fonde sur la possibilité d’un ordre possible construit spontanément par notre cerveau – sans que nous intervenions culturellement dessus. Ta question, ton affirmation ou ton interrogation se fondent sur un clivage entre le culturel et le biologique. Je partage avec toi somme toute l’idée que la culture est une programmation du biologique. Non seulement chaque culture, mais aussi chaque individu construit sa programmation personnelle de cet équipement biologique, mais dans un ordre imposé et permis par notre cerveau. Sur le plan du contenu de ce langage, chaque personne – ou culture - le construit avec son propre imaginaire. Ce langage étant en « libre service » pour chaque individu à l’intérieur d’une même culture. La neurobiologie nous montre qu’il y a bien un ordonnancement du réel dont chaque culture fait son usage propre. Les mots sont des équivalents de notre rapport au réel, de toutes les choses que nous pouvons distinguer les unes des autres dans notre interaction avec notre environnement. Ce sont des outils classés dans la boite à outils en fonction de l’association possible de leur sens. L’utilité des mots et d’évoquer l’absent – dont une figure est le passé – en dépensant un minimum d’énergie. Le mot n’a pas de poids, et léger est aussi lourd que lourd et inversement. Nous ne sommes pas des fils de la raison ou des fils de Dieu, mais des animaux particuliers issus de l’utérus de « mère nature ». |
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